Entre 2015 et 2019, la moitié des grossesses dans le monde n'auraient pas été choisies délibérément, près des deux tiers de celles-ci se seraient soldées par un avortement, dont près de la moitié réalisés de manière non médicalisée, ces derniers constituant
une des causes principales de mortalité maternelle. C'est, en résumé, le constat dressé par le Fond des Nations Unies pour la population (UNFPA) dans son
rapport sur l'état de la population mondiale 2022, qui pose cette question : qu'est-ce qu'un taux élevé de grossesses non désirées dit du rapport de nos sociétés aux femmes ? Un premier élément de réponse est fourni par le compte des préjudices et des coûts d'opportunité des grossesses non-désirées pour les individus et la société, qui seraient
"inquantifiables" selon L'UNFPA : risques pour la santé mentale et physique (en particulier celle des survivantes de violences), exclusion de la vie sociale et politique des mères, rétrécissement des perspectives éducatives et économiques pour les familles dépendantes des salaires, stigmates pour les générations suivantes, coûts pour les systèmes de santé... Les auteurs accusent en premier lieu des normes sociales discriminatoires qui soumettent les mères à des violences et à des mécanismes de domination de classe et de genre, qui prennent la forme d'un contrôle des corps, d'un contrôle reproductif, voire d'une coercition reproductive. Le rapport, qui évoque une
"érosion du libre arbitre", affirme ainsi que 23% des femmes dans le monde sont dans l'incapacité de refuser un rapport sexuel. Mais l'UNFPA pointe aussi du doigt l'inconséquence des gouvernements et du marché, comme ici à propos de la contraception masculine :
"Les gouvernements ont-ils le devoir de favoriser la mise au point de contraceptifs destinés aux hommes (..) ? La société a, pour l'essentiel, laissé les marchés en décider (...). Les seules perspectives mercantiles n'étant pas à la hauteur des enjeux, les gouvernements, en vertu de l'obligation qui incombe aux États de lutter contre les stéréotypes de genre (...), devraient intervenir davantage". Une manière de rappeler que ne pas agir contre le non respect du libre arbitre et du droit de chacune à disposer de son corps revient à les cautionner en violation de la plupart des conventions internationales, à commencer par la
Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (1979) et la
Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (1990).
Une responsabilité rappelée début avril aux différentes parties du conseil de Sécurité de l'ONU par Pramila Patten, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits. Quarante-neuf d'entre elles sont soupçonnées
"d'être responsables de [la mise en œuvre de]
schémas de violence sexuelle" lors de conflits, et beaucoup sont récidivistes.
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Anne Clerval, Antoine Fleury, Julien Rebotier, Serge Weber (dir.). Espace et rapports de domination. Rennes : PUR, 2015. 399 p. ISBN : 978-2-7535-3693-7.
En réponse aux multiples crises sanitaire, économique, politique et
environnementale, de nombreux décideurs ont procédé à des
arbitrages (concernant l'identification des vulnérabilités, leur priorisation, la
répartition des coûts) fondés sur une conception technoscientifique et étroite des risques, appelant à la responsabilité et la prise en charge individuelles. Les conséquences n'ont pas été les mêmes pour tous et toutes, les contraintes se surajoutant parfois aux difficultés, aux frustrations, à la souffrance. L'augmentation consécutive et attendue des inégalités a
renforcé un sentiment de vulnérabilité et d'injustice parmi les plus
précaires, démultipliant ainsi les conséquences de la crise tout en
provisionnant la prochaine. Cet épisode toujours en cours montre que
l'étude et la gestion des crises ne peut faire l'économie des rapports
sociaux de pouvoir qui participent de leur production. C'est le point de
vue des auteurs de Espace et rapports de domination, dont voici
un résumé de lecture, qui proposent de penser ensemble les rapports
sociaux conflictuels, la production des risques et les configurations
spatiales qui en découlent.
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David Edgerton, Quoi de neuf ? Du rôle des techniques dans l'histoire globale. Édition française. Paris : éditions du Seuil, 2013, coll. "l'Univers historique". 320 p. Traduction Christian Jeanmougin, ISBN : 9782021063677.
Entre un techno-enthousiasme qui se présente comme naturellement porteur d'un projet progressiste d'un côté, et les techno-paniques régulières suscitées par une pénétration de plus en plus forte dans les foyers de technologies de plus en plus opaques de l'autre, le rapport des sociétés contemporaines à la technique semble délicat et le débat difficile. Ce billet entend apporter quelques éléments de réflexion. Avec son histoire des techniques centrée sur l'usage, David Edgerton
invite à reconsidérer le rôle des techniques dans l'histoire. En
délaissant l'hagiographie des grands inventeurs et la récitation de la
fable du progrès technologique, l'auteur peut focaliser son attention
sur les pans occultés de l'histoire des techniques : celle des "mondes
pauvres", celle des technologies domestiques, ou encore celles de la mise à
mort - des insecticides aux abattoirs industriels en passant par
l'armement.
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Simon Kofe, ministre des affaires étrangères des îles Tuvalu,
a mis en scène
les menaces qui pèsent sur l'état insulaire en apparaissant les pieds
dans l'eau lors de son adresse à la 26ème Conférence des parties sur les changements climatiques (COP26) qui s'est déroulée début novembre. À
terme, une combinaison de plusieurs menaces devrait rendre l'archipel
inhospitalier, voire inhabitable. Tuvalu a connu
la pire sécheresse de son histoire entre juin et août dernier,
avec des précipitations moyennes équivalentes à 25% de la normale,
alors que l'eau de pluie est le principal accès à l'eau douce de la
population. Ces îles basses font également face à des ouragans plus
fréquents et au recouvrement régulier des terres par la mer, avec pour
conséquences une augmentation des surfaces terrestres touchées par la
salinisation et l'infertilité,
comme le signalait le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) dans son cinquième rapport en 2014. Le chercheur de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) Sougueh Cheik
résume pour The Conversation
les enjeux de ce phénomène de salinisation excessive des sols, qui
touche un milliard d'hectares dans le monde, soit 7% de la surface
terrestre de la planète. L'auteur souligne que le phénomène est
étroitement lié à l'irrigation inappropriée des terres agricoles et impacte particulièrement les zones arides. Une situation observable grâce
à
la carte publiée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en octobre, qui estime que
“20 à 50% des sols irrigués sur l’ensemble des continents sont trop salés”.
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[Cet article est une "synthèse introductive" à mon intervention dans le cadre d'une table ronde de professionnels, à l'occasion du colloque international Filmphot - Penser la photographie du film / Conceptualizing Motion Picture Photography à l'Université Rennes 2 les 18 et 19 novembre 2021. Mon intervention doit porter sur mon rapport au concept de photographie du film et son utilisation dans le cadre de ma pratique professionnelle de projectionniste.]
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