[Cet article fait le bilan de plusieurs expériences de séances de jeu vidéo en salle de cinéma, en 2021 et 2022.]
Alors que l'expérience de spectateur·ice de cinéma a tendance à se replier dans la sphère privée ces dernières années, des salles tentent d'extraire le jeu vidéo de la sphère privée pour en proposer une expérience collective. Cette double dynamique, symptomatique d'une mutation du rapport aux images et de sa prise en compte par celles et ceux qui les exploitent, suscite de nombreuses questions, dont la première est fondamentale dans les deux cas : la salle, en tant qu'espace public et collectif, peut-elle proposer l'expérience la plus désirable (parce que meilleure ou inédite) des œuvres audiovisuelles ? Et si oui, comment ?
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Les réseaux informatiques sont devenus la colonne vertébrale de nombreux
secteurs d'activité dont le bon fonctionnement repose sur la collecte,
le traitement et le partage de l'information qui y transite. C'est vrai
pour les secteurs marchand et financier, les médias, les services publics et l'administration.
Ils sont aussi devenus un canal majeur de construction des rapports
sociaux communautaires (groupes d'intérêt, de pratique,
connaissances au second degré, réseautage, médias participatifs...), qui viennent enrichir une forme de socialisation plus traditionnelle fondée sur la
proximité géographique et le lien familial. L'appropriation d'un tel espace d'échanges par ses utilisateurs nécessite un certain degré de confiance. En fait, celui-ci dépend du positionnement politique de multiples organisations, publiques et
privées, qui gèrent l'infrastructure matérielle et logicielle des
réseaux à une échelle transnationale, et donc de leur collaboration en bonne intelligence. Une gageure en temps de guerre, comme le montre le cas de la guerre russo-ukrainienne, qui offre une démonstration, inédite par son ampleur, de déstabilisation massive de ces réseaux.
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Ni révolutionnaire, ni innovant :
dans un entretien au Journal du CNRS,
le professeur en informatique Michel Beaudouin-Lafon porte un regard
critique sur le métavers, cet
“environnement virtuel collaboratif” dans
lequel investissent massivement les plus grandes entreprises
multinationales du numérique. Héritier spirituel des communautés
virtuelles des années 1990, basant son expérience sensible sur du
matériel encore inabouti, le métavers millésime 2022 serait avant tout
un nouveau territoire pour l'économie des données et de l'attention
selon le chercheur, qui met en garde contre les risques psycho-sociaux
et de sécurité liés à ce type d'univers. Partant du premier cas d'agression
sexuelle reporté dans le métavers de l'entreprise Facebook, le chercheur
en sciences de l'information
Olivier Ertzscheid va plus loin en
discutant la question du droit des espaces virtuels. Il rappelle que
l'agression
“est une intentionnalité” imputable à son auteur et non
“une
fonction que l'on peut activer ou désactiver”. Il fait ainsi référence à
l'ajout, en réponse à l'agression, d'une fonction technique de blocage qui charge la victime d'assurer elle-même sa propre sécurité et d'assumer seule les conséquences (bien
réelles) de l'agression, en permettant à la plateforme de dégager sa responsabilité. Contre ce solutionnisme technologique amoral,
l'auteur appelle à la mise en œuvre d'un
“engagement autour de valeurs
fondamentales, par le biais d'une constitution promulguée en pleine
conscience”, d'après les mots de
Lawrence Lessig (professeur de droit et
auteur de
l'article "Code is Law"). Pour Olivier Ertzscheid,
l'apparition de plusieurs régimes de réalité (physique, augmentée,
physique) doit nous questionner sur la façon dont
“nous les peuplerons
pour y faire société”.
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Inventé par les pères du concept de
“paternalisme libertarien”, le
nudge (“coup de pouce”)
a fait l'objet d'une publication dans le magazine de l'Inserm en novembre. L'article revient sur cet outil de suggestion comportementale qui consiste
“à modifier nos habitudes, sans nécessiter un niveau d'attention élevé et prolongé de notre part”.
De nombreux exemples sont cités, le plus souvent basés sur des
stimulations visuelles (étiquetage, marquage) non-explicites quant à
leur objectif réel. L'Inserm cite
“une méta-analyse de 96
expérimentations [qui] montre que les nudges qui font appel à la
réflexion des consommateurs, comme le Nutri-Score, sont moins efficaces
que ceux qui touchent aux émotions”. Henri Bergeron, sociologue à Sciences Po Paris et directeur de recherche au CNRS cité par l'Inserm, rappelle que
“les
nudges n'ont pas d'impact sur les conditions sociales d'existence,
comme le pouvoir d'achat. Fonder une politique de santé publique sur les
nudges est un projet minimaliste, qui renonce de fait à transformer la
société”.
La revue des médias rapproche ces dispositifs des
“dark patterns” (interfaces truquées), techniques de manipulation par le design très répandues sur le web et dont le but est
“d'orienter l'utilisateur vers des choix qu'il n'aurait probablement pas faits en connaissance de cause”. Claude Castelluccia, directeur de l'équipe Privatics de l'Inria cité dans l'article, suggère que ces manipulations sont
“les conséquences même du modèle économique de l'internet et de ses services “gratuits”
”. La revue des médias estime que dans le cas des
nudges comme dans celui des
dark patterns, et
“à leur insu, il s'agit de priver les utilisateurs de leur capacité à choisir”.
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Les manifestations
se sont multipliées tout au long du mois d’août au Honduras contre l'établissement de Zones d'emploi et de développement économique (Zonas de empleo y desarrollo éconómico, ZEDE). Inscrite dans la loi en 2013
après un coup de force législatif de l'actuel président Juan Orlando Hernández avec l'appui de milieux d'affaires américains, leur création doit permettre d'attirer des investisseurs étrangers et des activités industrielles par l'établissement,
dans de vastes régions du pays, d'une fiscalité plus faible qu'ailleurs, d'un accès à une main d’œuvre nombreuse et bon marché et de normes sociales et environnementales assouplies. En outre, la loi prévoit de confier la gestion des moyens de police, de justice et de détention à l'administration privée de chaque zone. Cette dernière dispose enfin de facilités d'accès au foncier par l'expropriation afin de simplifier l'installation des activités de production. Leurs détracteurs les considèrent comme les héritières des enclaves bananières (comme celles de la
célèbre United Fruit Company) et dénoncent une forme de néocolonialisme ultralibéral. Leurs craintes portent en particulier sur la perte de souveraineté du peuple sur une large portion du territoire national et sur le risque de voir ces enclaves devenir des refuges pour les narcotrafiquants et les hauts fonctionnaires poursuivis par la justice, dans un pays à la corruption endémique. L'ONU
a exprimé en juin dernier sa préoccupation vis-à-vis du risque d'atteintes aux droits de l'homme au sein de ces ZEDE. Pour autant, le journaliste Marcel Barang rappelait dans un article paru en janvier 1981
dans le Monde Diplomatique que le modèle des zones franches, dont les ZEDE sont le dernier développement, avait largement bénéficié à cette époque du soutien de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), dans l'optique d'industrialiser les pays en développement dépendants des exportations de produits de base.
"Plus généralement", ajoutait t-il,
"les organismes internationaux tels que la Banque mondiale ont fait leur la stratégie d’"industrialisation orientée vers l’exportation"
qui sous-tend la prolifération des zones franches ; ils exercent de fortes pressions sur les pays récipiendaires de leur aide pour les intégrer dans ce projet global."
Lire la suite de Entrée #20 - 15.09.21