Entrée #26 - 09.06.22

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Classé dans : Journal Mots clés : alimentation, santé, propriété, justice
La pénurie de lait infantile aux États-Unis se poursuit après un pic au mois de mai, et ce malgré la mise en place de mesures d'exceptions par le gouvernement. De multiples facteurs sont avancés, parmi lesquels le manque de main d’œuvre et les ruptures dans les chaînes d'approvisionnement en matières premières venant de Chine en raison de la pandémie de Covid-19, l'inflation qui pousse les famille à faire des réserves de produits essentiels, mais surtout l'arrêt de la production d'un des plus grands fournisseurs étasuniens, Abbott Nutrition, incriminé dans des cas d'infections aux cronobacters. La situation, qui touche particulièrement les plus précaires, profite aux entreprises européennes comme Danone et Nestlé qui ont multiplié les expéditions vers les États-Unis. Chaque scandale sanitaire permet au marché de se recomposer et constitue de fait une opportunité pour les multinationales de l'agroalimentaire. En 2008, la commercialisation en Chine de lait infantile frelaté à la mélamine a provoqué l'hospitalisation de dizaines de milliers de nourrissons et l'effondrement de la production nationale. Les industriels européens (comme le breton Sodiaal) ont alors tenté d'inonder le marché chinois à grands renforts d'investissements et de partenariats, avant de déchanter. L'émergence d'un leader national (Feihe) face à une concurrence laminée, l'impact de la pandémie sur les expéditions de lait infantile européen et la baisse durable de la natalité chinoise ont calmé leurs appétits. D'autant que le secteur agroalimentaire européen n'est pas exempt de scandales. En 2017, la vente pendant plusieurs mois de lait infantile contaminé à la salmonelle provoque des dizaines d'hospitalisations et son producteur, Lactalis, est accusé d'avoir voulu dissimuler son implication. Une enquête est toujours en cours.

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Entrée #25 - 03.05.22

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Classé dans : Journal Mots clés : éducation, justice, santé, propriété, travail
Entre 2015 et 2019, la moitié des grossesses dans le monde n'auraient pas été choisies délibérément, près des deux tiers de celles-ci se seraient soldées par un avortement, dont près de la moitié réalisés de manière non médicalisée, ces derniers constituant une des causes principales de mortalité maternelle. C'est, en résumé, le constat dressé par le Fond des Nations Unies pour la population (UNFPA) dans son rapport sur l'état de la population mondiale 2022, qui pose cette question : qu'est-ce qu'un taux élevé de grossesses non désirées dit du rapport de nos sociétés aux femmes ? Un premier élément de réponse est fourni par le compte des préjudices et des coûts d'opportunité des grossesses non-désirées pour les individus et la société, qui seraient "inquantifiables" selon L'UNFPA : risques pour la santé mentale et physique (en particulier celle des survivantes de violences), exclusion de la vie sociale et politique des mères, rétrécissement des perspectives éducatives et économiques pour les familles dépendantes des salaires, stigmates pour les générations suivantes, coûts pour les systèmes de santé... Les auteurs accusent en premier lieu des normes sociales discriminatoires qui soumettent les mères à des violences et à des mécanismes de domination de classe et de genre, qui prennent la forme d'un contrôle des corps, d'un contrôle reproductif, voire d'une coercition reproductive. Le rapport, qui évoque une "érosion du libre arbitre", affirme ainsi que 23% des femmes dans le monde sont dans l'incapacité de refuser un rapport sexuel. Mais l'UNFPA pointe aussi du doigt l'inconséquence des gouvernements et du marché, comme ici à propos de la contraception masculine : "Les gouvernements ont-ils le devoir de favoriser la mise au point de contraceptifs destinés aux hommes (..) ? La société a, pour l'essentiel, laissé les marchés en décider (...). Les seules perspectives mercantiles n'étant pas à la hauteur des enjeux, les gouvernements, en vertu de l'obligation qui incombe aux États de lutter contre les stéréotypes de genre (...), devraient intervenir davantage". Une manière de rappeler que ne pas agir contre le non respect du libre arbitre et du droit de chacune à disposer de son corps revient à les cautionner en violation de la plupart des conventions internationales, à commencer par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (1979) et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (1990). Une responsabilité rappelée début avril aux différentes parties du conseil de Sécurité de l'ONU par Pramila Patten, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits. Quarante-neuf d'entre elles sont soupçonnées "d'être responsables de [la mise en œuvre de] schémas de violence sexuelle" lors de conflits, et beaucoup sont récidivistes.

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Espace et rapports de domination

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Classé dans : Lectures Mots clés : recherche, propriété, travail, justice
Anne Clerval,   Antoine Fleury, Julien Rebotier,   Serge Weber   (dir.).   Espace   et   rapports   de domination. Rennes : PUR, 2015. 399 p. ISBN : 978-2-7535-3693-7.

En réponse aux multiples crises sanitaire, économique, politique et environnementale, de nombreux décideurs ont procédé à des arbitrages (concernant l'identification des vulnérabilités, leur priorisation, la répartition des coûts) fondés sur une conception technoscientifique et étroite des risques, appelant à la responsabilité et la prise en charge individuelles. Les conséquences n'ont pas été les mêmes pour tous et toutes, les contraintes se surajoutant parfois aux difficultés, aux frustrations, à la souffrance. L'augmentation consécutive et attendue des inégalités a renforcé un sentiment de vulnérabilité et d'injustice parmi les plus précaires, démultipliant ainsi les conséquences de la crise tout en provisionnant la prochaine. Cet épisode toujours en cours montre que l'étude et la gestion des crises ne peut faire l'économie des rapports sociaux de pouvoir qui participent de leur production. C'est le point de vue des auteurs de Espace et rapports de domination, dont voici un résumé de lecture, qui proposent de penser ensemble les rapports sociaux conflictuels, la production des risques et les configurations spatiales qui en découlent.

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Entrée #21 - 24.10.21

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Classé dans : Journal Mots clés : alimentation, énergie, nucléaire, propriété
La mobilisation des agriculteurs se poursuit en Inde, un an après l'adoption par le parlement de trois lois controversées qui visent à libéraliser le secteur agricole. Ces lois mettent fin au contrôle des prix pour de nombreuses denrées de base et amènent la possibilité de les vendre à des prix librement négociés en dehors des marchés de gros supervisés par les États (mandis), devenus des quasi-monopoles locaux. La disparition des outils de régulation du marché agricole (qui soutiennent l'activité de 41,5% de la population active et l'indépendance alimentaire d'1,3 milliards d'habitants) fait craindre une concentration des terres agricoles au profit des plus riches, comme dans l'état du Bihar, et l'augmentation de la sous-alimentation. Mené par les agriculteurs du nord du pays et en particulier par la communauté sikh, le mouvement de contestation fait face à des accusations de séparatisme portées par le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi, qui s'est appuyé sur la Cour suprême pour tenter de légitimer sa position. Le mouvement bénéficie néanmoins d'un large soutien populaire : le 26 novembre dernier, il a été à l'origine de ce qui est considéré comme la plus grande grève au monde, avec un nombre de participants estimé à 250 millions.

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Entrée #20 - 15.09.21

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Classé dans : Journal Mots clés : alimentation, justice, propriété, travail, réseaux, guerre
Les manifestations se sont multipliées tout au long du mois d’août au Honduras contre l'établissement de Zones d'emploi et de développement économique (Zonas de empleo y desarrollo éconómico, ZEDE). Inscrite dans la loi en 2013 après un coup de force législatif de l'actuel président Juan Orlando Hernández avec l'appui de milieux d'affaires américains, leur création doit permettre d'attirer des investisseurs étrangers et des activités industrielles par l'établissement, dans de vastes régions du pays, d'une fiscalité plus faible qu'ailleurs, d'un accès à une main d’œuvre nombreuse et bon marché et de normes sociales et environnementales assouplies. En outre, la loi prévoit de confier la gestion des moyens de police, de justice et de détention à l'administration privée de chaque zone. Cette dernière dispose enfin de facilités d'accès au foncier par l'expropriation afin de simplifier l'installation des activités de production. Leurs détracteurs les considèrent comme les héritières des enclaves bananières (comme celles de la célèbre United Fruit Company) et dénoncent une forme de néocolonialisme ultralibéral. Leurs craintes portent en particulier sur la perte de souveraineté du peuple sur une large portion du territoire national et sur le risque de voir ces enclaves devenir des refuges pour les narcotrafiquants et les hauts fonctionnaires poursuivis par la justice, dans un pays à la corruption endémique. L'ONU a exprimé en juin dernier sa préoccupation vis-à-vis du risque d'atteintes aux droits de l'homme au sein de ces ZEDE. Pour autant, le journaliste Marcel Barang rappelait dans un article paru en janvier 1981 dans le Monde Diplomatique que le modèle des zones franches, dont les ZEDE sont le dernier développement, avait largement bénéficié à cette époque du soutien de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), dans l'optique d'industrialiser les pays en développement dépendants des exportations de produits de base. "Plus généralement", ajoutait t-il, "les organismes internationaux tels que la Banque mondiale ont fait leur la stratégie d’"industrialisation orientée vers l’exportation" qui sous-tend la prolifération des zones franches ; ils exercent de fortes pressions sur les pays récipiendaires de leur aide pour les intégrer dans ce projet global."

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