Inventé par les pères du concept de
“paternalisme libertarien”, le
nudge (“coup de pouce”)
a fait l'objet d'une publication dans le magazine de l'Inserm en novembre. L'article revient sur cet outil de suggestion comportementale qui consiste
“à modifier nos habitudes, sans nécessiter un niveau d'attention élevé et prolongé de notre part”.
De nombreux exemples sont cités, le plus souvent basés sur des
stimulations visuelles (étiquetage, marquage) non-explicites quant à
leur objectif réel. L'Inserm cite
“une méta-analyse de 96
expérimentations [qui] montre que les nudges qui font appel à la
réflexion des consommateurs, comme le Nutri-Score, sont moins efficaces
que ceux qui touchent aux émotions”. Henri Bergeron, sociologue à Sciences Po Paris et directeur de recherche au CNRS cité par l'Inserm, rappelle que
“les
nudges n'ont pas d'impact sur les conditions sociales d'existence,
comme le pouvoir d'achat. Fonder une politique de santé publique sur les
nudges est un projet minimaliste, qui renonce de fait à transformer la
société”.
La revue des médias rapproche ces dispositifs des
“dark patterns” (interfaces truquées), techniques de manipulation par le design très répandues sur le web et dont le but est
“d'orienter l'utilisateur vers des choix qu'il n'aurait probablement pas faits en connaissance de cause”. Claude Castelluccia, directeur de l'équipe Privatics de l'Inria cité dans l'article, suggère que ces manipulations sont
“les conséquences même du modèle économique de l'internet et de ses services “gratuits”
”. La revue des médias estime que dans le cas des
nudges comme dans celui des
dark patterns, et
“à leur insu, il s'agit de priver les utilisateurs de leur capacité à choisir”.
Lire la suite de Entrée #23 - 31.12.21
La mobilisation des agriculteurs
se poursuit en Inde, un an après l'adoption par le parlement de trois lois controversées qui visent à libéraliser le secteur agricole. Ces lois mettent fin au contrôle des prix pour de nombreuses denrées de base et amènent la possibilité de les vendre à des prix librement négociés en dehors des marchés de gros supervisés par les États (
mandis), devenus des quasi-monopoles locaux. La disparition des outils de régulation du marché agricole (
qui soutiennent l'activité de 41,5% de la population active et l'indépendance alimentaire d'1,3 milliards d'habitants) fait craindre une concentration des terres agricoles au profit des plus riches,
comme dans l'état du Bihar, et l'augmentation de la sous-alimentation. Mené par les agriculteurs du nord du pays et en particulier par la communauté sikh, le mouvement de contestation
fait face à des accusations de séparatisme portées par le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi,
qui s'est appuyé sur la Cour suprême pour tenter de légitimer sa position. Le mouvement bénéficie néanmoins d'un large soutien populaire : le 26 novembre dernier, il a été à l'origine de ce qui est considéré comme la plus grande grève au monde,
avec un nombre de participants estimé à 250 millions.
Lire la suite de Entrée #21 - 24.10.21
Le 3 juin dernier, une panne des numéros d'urgence chez l'opérateur Orange
a touché de nombreuses régions en France. L'ingénieur en télécommunications Hervé Debar
explique dans The Conversation
que les communications d'urgence reposent à la fois sur le réseau
téléphonique commuté (RTC), l'infrastructure historique basée sur des
connexions cuivre actuellement en cours d'abandon, et sur la voix sur IP
(VoIP), réseau basé sur la fibre optique et les technologies de
l'internet. Lors d'un appel, du matériel et des logiciels propres aux
deux technologies, dont l'interopérabilité doit être garantie, sont
ainsi mobilisées, afin d'interpréter le numéro court et le convertir,
localiser l'appel, le transférer au centre d'urgence le plus proche et
l'acheminer sur l'un ou l'autre des réseaux. Si l'ingénieur pointe la
complexité d'une telle infrastructure et avance l'hypothèse d'une panne
logicielle pour expliquer son ampleur, la Confédération Générale du
Travail des activités postales et de télécommunications (FAPT-CGT)
y voit de son côté
la conséquence prévisible du
“sous-investissement chronique dans les
réseaux et notamment le réseau RTC”, très coûteux à entretenir, d'
“[u]ne
politique de l’emploi mortifère et des pertes de savoir-faire”,
“[d]es
économies et des exigences de délais qui interdisent de tester en amont
ces évolutions” et du
“transfert massif d’activités vers les
constructeurs et vers la sous-traitance offshore”.
Trois jours plus tard,
ce sont les locaux d'Orange Centrafrique qui sont partis en fumée,
privant les abonnés de téléphone et d'internet pour une durée
indéterminée.
Lire la suite de Entrée #18 - 24.06.21
Le 11 mars dernier, l'anniversaire de la catastrophe de Fukushima, survenue il y a dix ans, a rappelé à l'opinion publique l'existence d'une controverse sur les conséquences sanitaires et environnementales de l'exploitation de l'énergie nucléaire. Ce thème fort du débat public des années 1990 est aujourd'hui éclairé par de nouvelles données et analyses : la gestion de l'accident de Fukushima a suscité de nombreuses études et commentaires, tandis que les demandes toujours plus pressantes de justice des victimes des essais nucléaires français ont permis de requestionner les études officielles à la lumière d'expertises nouvelles et de documents déclassifiés.
Lire la suite de Notes sur la pollution radioactive
Le 24 octobre, le Honduras a permis l’entrée en vigueur dans le droit international du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN)
en étant le cinquantième État à y apposer sa signature. Bien que non contraignant pour les principales puissances nucléaires et leurs alliés qui ne l’ont pas ratifié (comme la France ou le Japon), le TIAN
pourrait avoir un impact sur le financement du nucléaire militaire selon l’Observatoire des armements. En juin, la même source rappelait néanmoins
qu’en l’absence d’accord, l’expiration d’ici 2021 du dernier traite bilatéral
New Start de désarmement nucléaire signé entre les États-Unis d’Amérique et la Russie laissait planer un risque de réarmement, dans un contexte diplomatique tendu. Une hypothèse corroborée par l’augmentation des budgets de défense consacrés à la modernisation des arsenaux nucléaires, et
« malgré la diminution globale du nombre d’ogives nucléaires en 2019 ». C’est notamment le cas en France,
comme le montre Philippe Leymarie dans sa lecture de la Loi de programmation militaire française. Cette dernière prévoit d’allouer un huitième des 39 milliards d’euros du budget 2021 de la défense
« au renouvellement du système de dissuasion (…) - une proportion qui s’élargira a partir de 2023. »
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