La mobilisation des agriculteurs
se poursuit en Inde, un an après l'adoption par le parlement de trois lois controversées qui visent à libéraliser le secteur agricole. Ces lois mettent fin au contrôle des prix pour de nombreuses denrées de base et amènent la possibilité de les vendre à des prix librement négociés en dehors des marchés de gros supervisés par les États (
mandis), devenus des quasi-monopoles locaux. La disparition des outils de régulation du marché agricole (
qui soutiennent l'activité de 41,5% de la population active et l'indépendance alimentaire d'1,3 milliards d'habitants) fait craindre une concentration des terres agricoles au profit des plus riches,
comme dans l'état du Bihar, et l'augmentation de la sous-alimentation. Mené par les agriculteurs du nord du pays et en particulier par la communauté sikh, le mouvement de contestation
fait face à des accusations de séparatisme portées par le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi,
qui s'est appuyé sur la Cour suprême pour tenter de légitimer sa position. Le mouvement bénéficie néanmoins d'un large soutien populaire : le 26 novembre dernier, il a été à l'origine de ce qui est considéré comme la plus grande grève au monde,
avec un nombre de participants estimé à 250 millions.
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Les manifestations
se sont multipliées tout au long du mois d’août au Honduras contre l'établissement de Zones d'emploi et de développement économique (Zonas de empleo y desarrollo éconómico, ZEDE). Inscrite dans la loi en 2013
après un coup de force législatif de l'actuel président Juan Orlando Hernández avec l'appui de milieux d'affaires américains, leur création doit permettre d'attirer des investisseurs étrangers et des activités industrielles par l'établissement,
dans de vastes régions du pays, d'une fiscalité plus faible qu'ailleurs, d'un accès à une main d’œuvre nombreuse et bon marché et de normes sociales et environnementales assouplies. En outre, la loi prévoit de confier la gestion des moyens de police, de justice et de détention à l'administration privée de chaque zone. Cette dernière dispose enfin de facilités d'accès au foncier par l'expropriation afin de simplifier l'installation des activités de production. Leurs détracteurs les considèrent comme les héritières des enclaves bananières (comme celles de la
célèbre United Fruit Company) et dénoncent une forme de néocolonialisme ultralibéral. Leurs craintes portent en particulier sur la perte de souveraineté du peuple sur une large portion du territoire national et sur le risque de voir ces enclaves devenir des refuges pour les narcotrafiquants et les hauts fonctionnaires poursuivis par la justice, dans un pays à la corruption endémique. L'ONU
a exprimé en juin dernier sa préoccupation vis-à-vis du risque d'atteintes aux droits de l'homme au sein de ces ZEDE. Pour autant, le journaliste Marcel Barang rappelait dans un article paru en janvier 1981
dans le Monde Diplomatique que le modèle des zones franches, dont les ZEDE sont le dernier développement, avait largement bénéficié à cette époque du soutien de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), dans l'optique d'industrialiser les pays en développement dépendants des exportations de produits de base.
"Plus généralement", ajoutait t-il,
"les organismes internationaux tels que la Banque mondiale ont fait leur la stratégie d’"industrialisation orientée vers l’exportation"
qui sous-tend la prolifération des zones franches ; ils exercent de fortes pressions sur les pays récipiendaires de leur aide pour les intégrer dans ce projet global."
Lire la suite de Entrée #20 - 15.09.21
Un temps éclipsé par l'arrivée de la photographie numérique, l'appareil photographique instantané inventé par la firme Polaroid à la fin des années 1940 connaît aujourd’hui un regain d'intérêt, porté par une vague de nostalgie et de fétichisme liée aux emblèmes culturels des années 1970-80. Sa rapidité de tirage et sa simplicité d'utilisation expliquent son succès initial chez les photographes amateurs, mais parfois aussi chez les photographes professionnels comme appareil d'appoint
1. Le Polaroid utilise un film spécial contenant la chimie nécessaire au développement et au tirage photographique, après exposition du support lors de la prise de vue, qui repose sur un système optique optimisé et très élaboré. Le développement de l'électronique grand public et de plateformes de prototypage a permis l'apparition de projets basés sur des technologies numériques qui imitent le fonctionnement des appareils photographiques instantanés, du
plus simple au
plus élaboré. Le PolaroHeat en est une version intermédiaire.
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Un consortium de journalistes, coordonné par l'
organisation non-gouvernementale Forbidden Stories avec l'appui technique d'
Amnesty Tech,
a révélé une liste de 50000 numéros de téléphone parmi lesquels figurent ceux de personnalités politiques, militants des droits humains
et journalistes. Un nombre difficile à estimer de ces personnalités pourrait
avoir été mis sur écoute par des services de renseignement à l'aide du
logiciel espion Pegasus, commercialisé par l'entreprise israélienne NSO.
Jean-Marc Manach rappelle que contrairement aux pratiques
dévoilées par Edward Snowden en 2013 qui consistaient en l'interception massive des
échanges pendant leur transit, ces écoutes reposent sur l'exploitation de failles dites
zero day
(non encore découvertes et réparées) sur les terminaux de cibles
désignées. Cette méthode permet de contourner le chiffrement des
échanges largement déployé depuis les révélations de Snowden. Si les
faits sont avérés, cette nouvelle affaire constituerait une atteinte
supplémentaire au travail de la société civile et des journalistes, au
même titre que la multiplication des SLAPP (
Strategic lawsuits against public participation)
ou “procédures bâillons”,
comme le signale la Revue des Médias. Ces
procès à répétition sont utilisées par des lobbies et des grandes firmes à des
fins d'intimidation et de pression financière sur leurs adversaires,
journalistes et militants associatifs en tête. L'article égrène de
nombreux cas récents, comme celui de Daphné Caruana Galizia, journaliste
maltaise assassinée en 2017 alors qu'elle enquêtait sur des faits de
corruption et poursuivie dans quarante-sept affaires au moment de sa
mort. En France, la REM rapporte la prédilection des filiales du groupe
Bolloré pour les SLAPP, ou encore les cas des journalistes Inès Léraud et
Morgan Large, qui enquêtent depuis de nombreuses années sur le secteur
de l'agroalimentaire en Bretagne et sont de ce fait les cibles de procès
et malveillances à répétition.
Lire la suite de Entrée #19 - 13.08.21
Le 3 juin dernier, une panne des numéros d'urgence chez l'opérateur Orange
a touché de nombreuses régions en France. L'ingénieur en télécommunications Hervé Debar
explique dans The Conversation
que les communications d'urgence reposent à la fois sur le réseau
téléphonique commuté (RTC), l'infrastructure historique basée sur des
connexions cuivre actuellement en cours d'abandon, et sur la voix sur IP
(VoIP), réseau basé sur la fibre optique et les technologies de
l'internet. Lors d'un appel, du matériel et des logiciels propres aux
deux technologies, dont l'interopérabilité doit être garantie, sont
ainsi mobilisées, afin d'interpréter le numéro court et le convertir,
localiser l'appel, le transférer au centre d'urgence le plus proche et
l'acheminer sur l'un ou l'autre des réseaux. Si l'ingénieur pointe la
complexité d'une telle infrastructure et avance l'hypothèse d'une panne
logicielle pour expliquer son ampleur, la Confédération Générale du
Travail des activités postales et de télécommunications (FAPT-CGT)
y voit de son côté
la conséquence prévisible du
“sous-investissement chronique dans les
réseaux et notamment le réseau RTC”, très coûteux à entretenir, d'
“[u]ne
politique de l’emploi mortifère et des pertes de savoir-faire”,
“[d]es
économies et des exigences de délais qui interdisent de tester en amont
ces évolutions” et du
“transfert massif d’activités vers les
constructeurs et vers la sous-traitance offshore”.
Trois jours plus tard,
ce sont les locaux d'Orange Centrafrique qui sont partis en fumée,
privant les abonnés de téléphone et d'internet pour une durée
indéterminée.
Lire la suite de Entrée #18 - 24.06.21