Entrée #012 - 01.12.20
Rédigé par roi_matou
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Mi-novembre, des manifestations ont eu lieu au Japon
pour protester contre la révision de la loi sur la protection des
obtentions végétales et des semences (Plant Variety Protection and Seed
Act). Celle-ci doit renforcer le droit de propriété intellectuelle des
producteurs de semences, un marché progressivement investi par le
secteur privé depuis l'abolition du Seed Act for Major Crops en 2018 qui instituait jusqu'alors la gestion publique des semences. Ses opposants font valoir
que la loi obligera les agriculteurs à acheter des semences certifiées
tous les ans, impliquant des coûts supplémentaires pour ceux qui
utilisent des semences de ferme.
Traditionnellement nombreux au Japon, les petits exploitants agricoles à
temps partiel craignent que la révision de la loi condamne à terme un
modèle agricole singulier hérité de la planification d'après-guerre. La volonté du Parti Libéral Démocrate (PLD) au pouvoir de réformer le secteur s'était jusqu'ici confrontée au conservatisme de leur allié politique historique, les influentes coopératives agricoles du pays. La multiplication des accords de libre-échange (Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP) entré en vigueur en 2018, Partenariat régional économique global (RCEP) signé le 15 novembre dernier), qui justifie les mesures de dérégulation en tant que mise en conformité du droit
japonais avec les règles du commerce international (notamment celles
établies par l'Union pour la Protection des obtentions végétales), pourrait effectivement venir à bout du modèle agricole actuel au profit des exploitations les plus grandes et les plus productives.
L'International Land Coalition, réseau rassemblant plus de 250
organisations (dont le Centre de coopération internationale en recherche
agronomique pour le développement, CIRAD) autour de la question de la gouvernance foncière, a publié le 24 novembre le résultat de son étude Land Inequality Initiative
visant à mesurer les inégalités foncières dans le monde. En confrontant
des données comme la valeur de la terre, la surface des propriétés et
le contrôle effectif des propriétaires sur leurs terres, le groupe
d'experts en charge de l'étude a déterminé que la moitié de la
population rurale mondiale la plus pauvre se partage 3% de la valeur des
terres agricoles, tandis que 1% des exploitations agricoles se sont
accaparées 70% des terres agricoles mondiales. Il identifie les fonds d'investissement comme les premiers responsables
de la concentration de la propriété des terres agricoles. L'Europe
n'est pas épargnée par ce phénomène, où moins de 3% des exploitations
agricoles possèdent plus de la moitié des terres agricoles. D'après les
conclusions du rapport, cette situation “sape la stabilité et le
développement de sociétés durables” et “aura des conséquences négatives
importantes sur le développement économique et social de tous les pays,
mais également sur l'environnement, la démocratie et la paix.” En
France, la Cour des Comptes a publié le 12 novembre un référé adressé au Premier Ministre déplorant la poursuite de l'artificialisation et de la concentration des terres. La Confédération Paysanne s'en est faite l'écho
pour réclamer aux pouvoir publics une “régulation plus efficace du
marché foncier agricole”, notamment par la réorganisation des Sociétés
d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).
A l'occasion du Forum de la Paix, l'Alliance pour le multilatéralisme a annoncé la création du groupe d'experts de haut niveau One Health
(Une seule santé). Ce conseil d'experts, qui revendique une approche
intégrée et systémique de la santé (interdépendance des santé humaine,
animale et environnementale), est présenté comme une structure de coopération entre les organisations internationales et les États,
mais aussi comme un outil de coordination des réseaux régionaux qui
travaillent d'après ce concept. En intégrant les sciences sociales et
environnementales, l'approche One Health doit permettre de penser les
phénomènes épidémiologiques dans leur contexte économique et politique, comme le défendent Eric Muraille et Jacques Godfroid,
pour qui “la pandémie induite par le SARS-CoV-2 est la conséquence
directe et prévisible de la mondialisation des systèmes de production
animale, de la vente d’animaux sauvages vivants, mais aussi du tourisme
de masse, du commerce international et de l’hypermobilité qui les
accompagne.”