Entrée #24 - 01.02.22
Rédigé par falx
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Ni révolutionnaire, ni innovant : dans un entretien au Journal du CNRS,
le professeur en informatique Michel Beaudouin-Lafon porte un regard
critique sur le métavers, cet “environnement virtuel collaboratif” dans
lequel investissent massivement les plus grandes entreprises
multinationales du numérique. Héritier spirituel des communautés
virtuelles des années 1990, basant son expérience sensible sur du
matériel encore inabouti, le métavers millésime 2022 serait avant tout
un nouveau territoire pour l'économie des données et de l'attention
selon le chercheur, qui met en garde contre les risques psycho-sociaux
et de sécurité liés à ce type d'univers. Partant du premier cas d'agression
sexuelle reporté dans le métavers de l'entreprise Facebook, le chercheur
en sciences de l'information Olivier Ertzscheid va plus loin en
discutant la question du droit des espaces virtuels. Il rappelle que
l'agression “est une intentionnalité” imputable à son auteur et non “une
fonction que l'on peut activer ou désactiver”. Il fait ainsi référence à
l'ajout, en réponse à l'agression, d'une fonction technique de blocage qui charge la victime d'assurer elle-même sa propre sécurité et d'assumer seule les conséquences (bien
réelles) de l'agression, en permettant à la plateforme de dégager sa responsabilité. Contre ce solutionnisme technologique amoral,
l'auteur appelle à la mise en œuvre d'un “engagement autour de valeurs
fondamentales, par le biais d'une constitution promulguée en pleine
conscience”, d'après les mots de Lawrence Lessig (professeur de droit et
auteur de l'article "Code is Law"). Pour Olivier Ertzscheid,
l'apparition de plusieurs régimes de réalité (physique, augmentée,
physique) doit nous questionner sur la façon dont “nous les peuplerons
pour y faire société”.